La bière savoyarde qui vise les sommets

La bière savoyarde qui vise les sommetsAprès des débuts difficiles, le savoyard Sylvain Chiron a développé la Brasserie du Mont-Blanc dans le secteur désormais en plein essor des micro-brasseries. Aujourd’hui, ses bières sont reconnues par des experts comme des références avec trois titres mondiaux. Propos recueillis par Lionel FavrotComment vous êtes-vous lancé dans la bière ?Sylvain Chiron : Le hasard de la vie ! Etant de la famille Chiron qui produit les pâtes Alpina, j’étais plutôt prédestiné aux coquilllettes. Mais après mon MBA en 1987, j’ai eu l’occasion de racheter la distillerie d’Aiguebelle en Drome provençale, à la barre du Tribunal de commerce. Ces moines s’étaient diversifiés dans la vodka mais des clients russes ne les avaient payés. D’où le dépôt de bilan.Quel projet aviez-vous en tête ?Une bière trappiste. C’est l’un plus beaux labels qui existe. D’ailleurs, il n’y en a que huit reconnues dans le monde. A ne pas confondre avec les bières dite d’abbaye car c’est un simple concept marketing. Les moines n’étant pas prêts à me suivre dans ce projet, j’ai revendu en 1999 mes parts à mon cousin qui m’avait suivi dans cette aventure avec son beau-frère. Je suis alors retourné dans ma Savoie natale avec cette même volonté de lancer une bière de qualité.La Savoie a-t-elle une tradition brassicole ?Oui ! Mais à l’époque, beaucoup l’avait oublié. Pourtant, plusieurs brasseries existaient au XIXe siècle et dans la première partie du XXe siècle. L’avantage de la Savoie, c’était des ingrédients à disposition, notamment l’eau pure de la vallée de l’Arve, et un vrai savoir-faire. Les brasseurs allaient aussi chercher des pains de glace dans la Mer de glace pour refroidir les bières. La principale, c’était la Brasserie du Mont-Blanc à Sallanches qui a fermé ses portes dans les années 1950 comme toutes ses concurrentes.Qu’est-ce qui a provoqué la disparition de ces micro-brasseries ?Deux phénomènes : la pasteurisation qui permet à la bière de se conserver plus longtemps et l’amélioration des moyens de transport. Du coup, un brasseur pouvait livrer une zone bien plus large. On a vu se développer des multinationales brassicoles et les micro-brasseries qui desservaient un marché local, ont donc disparu.Comment avez-vous pu récupérer cette marque emblématique ?Elle était tombée dans le domaine public. Ce qui n’a pas empêché Danone de nous assigné car ses avocats estimaient qu’utiliser cette marque pour une boisson alcoolisée allait nuire à ses fameuses crèmes dessert Mont-Blanc. Pour notre part, on a rappelé que la Brasserie Mont-Blanc était plus ancienne que la laiterie de Rumilly qui a été à l’origine de ces crèmes avant son rachat par Danone. On a perdu certains procès avec des jugements qui nous ont provoqué quelques sueurs froides mais, au bout de trois ans et demi de procès, ils ont accepté de négocier et on a réussi à s’entendre.En fait, vous aviez lancé la production malgré le procès intenté par Danone ?Oui bien sûr, quand c’est parti : c’est parti ! On n’allait pas s’arrêter à la première difficulté.Avez-vous trouvé les compétences en Savoie ?Je suis d’abord allé compléter mes connaissances auprès des meilleurs brasseurs. Le père abbé d’Aiguebelle m’a ouvert les portes de deux monastères en Belgique, Orval et Rochefort, réputés pour leurs bières trappistes. Ces moines m’ont donné l’amour de ce métier et ils m’ont fait rencontrer d’autres brasseurs belges qui nous ont apporté le savoir-faire, le matériel, la première recette mais aussi aidé à la formation de nos brasseurs.Est-ce qu’il y avait encore une eau assez pure dans les Alpes ?Oui. En cherchant un terrain pour implanter la brasserie, j’ai rencontré le maire des Houches qui m’a parlé d’un captage d’altitude unique construit à flanc de Mont-Blanc au début du siècle. On a procédé à des prélèvements à cette source de l’Enchapleuze, perchée à 2074m d’altitude, et les analyses ont révélé qu’elle était naturellement équilibrée, c’est-à-dire pure et assez peu minéralisée. Idéal pour faire une bière. On a donc décidé d’aller la chercher en camion citerne et d’insister sur cette spécificité dans notre communication. C’est un coût supplémentaire mais on voulait à tout prix élaborer une bière de qualité. Beaucoup d’autres brasseries se vantent d’avoir une bonne eau mais son origine exacte reste souvent incertaine !Quand avez-vous sorti votre première bière ?En juin 2000. Parmi notre tour de table, il y avait Dolin, une PME très prometteuse qui produit des sirops et des liqueurs, et qui a accepté de nous donner accès à son réseau de distribution, notamment les supermarchés du coin. Ce qui a accéléré notre lancement. (...)Lire la suite dans Mag2 Savoies n°6. A commander sur notre site.