Hommage à la jeunesse engagée

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Diplômée de l’Institut d’Études Politiques de Grenoble puis d’HEC, Flore Vasseur avait tout pour devenir un rouage du système qu’elle dénonce aujourd’hui. Après ses études, cette sportive de haut niveau, représentante de la méritocratie, est recrutée par un groupe de l’industrie du luxe. Elle débarque à NewYork. Elle y crée une entreprise,Trainspotting, spécialisée dans la veille Internet et marketing. Son chemin semble tracé. Mais en 2001, elle assiste aux attentats du 11 septembre, véri- table électrochoc. “Ça a provoqué une bifurcation dans ma vie. Je ne voulais plus contribuer à quelque chose de mortifère et je voulais comprendre ce qui se passait, l’emprise de la finance, la folie d’un monde assis sur la technologie...”,explique FloreVasseur à Mag2 Savoies. Elle va alors progressivement prendre des distances vis-à-vis du monde de l’entreprise, du capitalisme... Elle se rend même à Kaboul... C’est ce cheminement qu’elle raconte dans son premier livre publié en 2006, Une fille dans la ville, qui obtient le prix découverte du Figaro Magazine. Cinq ans plus tard, cette spécialiste des marchés financiers se fait remarquer avec Comment j’ai liquidé le siècle, un roman consacré à un trader. Flore Vasseur y évoque l’existence du cercle Bilderberg, un rassemblement transatlantique puis- sant. Ainsi commence ses interrogations autour de la démo- cratie et du pouvoir. Ses thèmes sont toujours engagés, contre les dérives du capitalisme, les élites politico-économiques... Dans son quatrième livre Ce qu’il reste de nos rêves publié en 2019, elle enquête sur le hacker et prodige de l’informatique Aaron Swartz qui s’est suicidé en 2013.

Elle se lance en parallèle dans la réalisation de documentaires notamment pour Arte. L’un d’eux, Meeting Snowden, est consacré à Edward Snowden, ex-agent de la NSA, devenu lanceur d’alerte en dénonçant des programmes de surveil- lance de masse aux États-Unis. Flore Vasseur parvient à le rencontrer à Moscou, où il a trouvé asile. Mais ça ne lui suffit pas. “En 2015-2016, j’ai vécu personnellement une sorte de mini-effondrement car j’avais l’impression que mon travail ne servait à rien. Même en documentant des personnages courageux comme Edward Snowden, je me suis rendu compte que ça ne déclenchait rien chez les gens, convaincus de ne pouvoir rien faire ou sclérosés dans leur confort”, raconte Flore Vasseur, assez désabusée. Dans le même temps, cette mère de deux enfants, installée à Lyon, est interpellée par son fils de 7 ans qui évoque la planète qui “va mourir”. Elle ne sait quoi lui répondre...

C’est à cette époque qu’elle découvre Mélati, une jeune Indonésienne qui se bat avec sa sœur pour faire interdire les sacs plastiques à Bali. Elle la rencontre en 2016. “J’ai vu dans ces jeunes filles toute la sagesse, l’intelligence et le courage des lanceurs d’alerte. J’ai aussi constaté la grande solitude qu’elle vivait. Je lui ai donc proposé de rencontrer d’autres jeunes comme elle, qui luttent pour une cause qui les dépasse.” D’où le titre du documentaire Bigger Than Us.<br>FloreVasseur et Mélati Wijsen entreprennent alors un voyage pour aller à la rencontre de jeunes activistes comme elle, dans différents pays du monde. “On voulait faire un film représentatif de la jeunesse d’aujourd’hui. Or, elle est à 80 % hors de l’Occident. Ensuite, on a étudié les 17 objectifs du Développement durable de l’ONU et on n’a gardé que ceux engageant la vie et la mort. On a investigué. On ne voulait pas des gens qui soient dans l’incantation mais dans l’action pour désamorcer les critiques sur le téléguidage par les parents, la volonté de se faire mousser avant d’entrer à la fac, la naïveté... On n’a choisi que des profils solides et on a mis la barre très haut”, raconte la réalisatrice.

Dans ce documentaire, on découvre effectivement des militants hors normes, animés par une grande combativité, qui sont parfois menacés de mort pour leurs prises de posi- tion. Au Liban, Mohamad, 18 ans, réfugié syrien, qui a fui son pays avec sa famille à 12 ans, a fondé une école dans le camp où il s’est retrouvé. Au Malawi, Memory, 22 ans, s’est battue contre les “camps d’initiation” pour jeunes filles, où la tradition voulait qu’elles soient violées le dernier soir. À force d’engagement, elle a réussi à faire passer l’âge légal du mariage de 15 à 18 ans. À Rio, René, 25 ans, dirige depuis 14 ans, un journal dans sa favela, pour lutter contre les préjugés. Au Colorado, Xiuhtezcati, un Amérindien de 19 ans dénonce un “racisme environnemental” et lutte contre l’industrie du pétrole et la fracturation hydraulique. À Lesbos, Mary participe au sauvetage en mer des réfugiés qui viennent de Turquie. En Ouganda, Winnie, 25 ans, agricultrice enseigne la permaculture pour favoriser des cultures nourricières et saines... Les thèmes sont écologiques, féministes, sociaux... Tous ces jeunes n’attendent pas, ils agissent à leur niveau, parfois contre leur famille, leur milieu social, les traditions... Ils interpellent par leur maturité. “Je ne veux pas dire que je n’ai rien fait par flemme ou parce que je regardais Netflix”, lance la jeune Mélati, loin du désenchantement ou de la dépolitisation dont on suspecte les jeunes. Flore Vasseur continue donc de questionner notre système, sans participer à la fracture générationnelle entre les “boomers” et les “millénials”. Coproduit par Marion Cotillard et Denis Carot, ce film a été diffusé au festival de Cannes de 2021. “Quand on tient une caméra ou un micro, on doit aider les gens à s’émanciper, à se lever pour vivre”, conclut Flore Vasseur.