Bauges “Muter ou mourir”

L’agglomération de Grand Chambéry englobe  désormais tout le territoire des Bauges. Son président Les Républicains, Xavier Dullin, a décidé de se saisir des problèmes d’enneigement pour anticiper les conséquences du réchauffement climatique et débloquer les moyens nécessaires pour conforter la diversification 4 saisons de ces stations de moyenne montagne. 30 millions d’euros vont être investis sur 10 ans. Propos recueillis par Lionel Favrot.

 

Quelle méthode avez-vous  choisie pour préparer l’avenir  des Bauges ?

Xavier Dullin : On dit parfois que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire mais pour ma part, j’ai préféré lancer une étude globale des stations des Bauges dès ma prise de fonction à la tête du Grand Chambéry. J’ai missionné un spécialiste, Phillippe Lebrasseur d’Orex Loisirs. Ce Savoyard est sollicité dans le monde entier pour ses compétences en matière de conception et de développement de sites touristiques mais il n’avait jamais été mobilisé au service de notre territoire. Il a travaillé sur les stations du Révard, de la Féclaz et d’Aillons-Margeriaz. Les conclusions de son rapport ont été un véritable pavé dans la mare : soit ces stations mutaient, soit elles étaient condamnées.

Comment les responsables de ces stations ont-ils réagi ?

Cet électrochoc a entraîné une prise de conscience que j’ai trouvée très responsable. Michel André, le maire du Désert, la commune dont dépend la station de la Feclaz, s’est fortement mobilisé. Les habitants étaient eux-mêmes très intéressés : chaque réunion sur place a attiré du monde.

Mais du côté d’Aillons-Margeriaz, on a plutôt eu le sentiment que vous leur cassiez le bras : soit ils acceptaient votre projet et l’argent du Grand Chambéry, soit ils déposaient  le bilan…

Je n’ai cassé le bras de personne. Aillons-Margeriaz était déjà en difficulté quand on s’est intéressé à son avenir. Elle nous a appelés à la rescousse car, après un nouvel hiver sans neige, ils étaient très inquiets. La société d’économie mixte des Bauges qui exploite la station, était en cessation de paiements et elle avait été placée en sauvegarde par le Tribunal de commerce. Il y avait urgence ! Ces stations des Bauges, c’est 600 emplois directs et indirects. Si c’était une PME classique, on aurait eu la visite de plusieurs ministres ! Mais là, tout le monde s’en fichait. Moi, j’ai pris le problème à bras-le-corps. On avait le choix : être la première station de ski de Savoie qui ferme alors que notre département reste la première destination mondiale de ski ou se saisir de cette occasion pour faire un démonstrateur de la station de moyenne montagne du futur.

Vous voulez dire que les Bauges ne sont pas les seules dans cette situation ?

Effectivement. En France, 170 stations moyennes avec un front de neige situé à une altitude inférieure de 1 400 m, sont concernées par ces problèmes d’enneigement qui vont s’accroître avec le réchauffement climatique. Si nous, on a des difficultés, beaucoup d’autres stations seront dans une situation plus inquiétante.

Cette intervention du Grand Chambéry a-t-elle été bien perçue par les stations des Bauges ?

Je crois que chacun est conscient que nos économies sont interdépendantes. L’une ne fonctionne pas sans l’autre. 48 % des habitants des Bauges viennent travailler sur les secteurs Grand Lac, Grand Chambéry, Grand Annecy ou Combes de Savoies. Mais pour les loisirs, ce sont des habitants de ces secteurs qui montent au cœur du massif des Bauges, assurant 52 % du PIB. Pour autant, les Bauges ont un fort tempérament. Même entre eux ce n’est pas toujours simple !

Quel plan avez-vous proposé pour les Bauges ?

Après un premier rapport global, on a commandé une étude station par station. On a ensuite voté un schéma directeur global qui intègre aussi bien Chambéry que le haut de l’agglomération, c’est-à-dire les Bauges qu’on a confirmé dans son positionnement tourné vers les sports de pleine nature. C’est la première fois depuis l’après-guerre qu’un schéma d’aménagement de cette ampleur est proposé. On a mis en place Grand Chambéry Alpes Tourisme pour assurer la promotion touristique. Cet organisme que je préside, remplace les quatre structures qui existaient auparavant, pour assurer une promotion commune.

Concrètement, qu’est-ce qui va changer ?

Avant l’été 2018, on a voté les aménagements pour Aillons-Margériaux pour la recentrer sur une station 4 saisons autour du trail, de la rando, d’un espace kids tout en prévoyant la rénovation de la piscine. Fin décembre, on a voté le projet de La Feclaz qui passe tout d’abord par un contournement routier complet, en sens unique, avec une petite tranchée couverte de 150 m, afin de laisser le centre de la station aux piétons et mieux relier les parkings au front de neige. Jusque-là, ce contournement était incomplet, ce qui créait des bouchons et une situation accidentogène. On a également mis en place un système de covoiturage avec des points relais à Chambéry et à chaque station.

D’autres changements à La Feclaz ?

Cette station a historiquement un petit volet ski alpin mais elle a surtout un des plus beaux plateaux nordiques d’Europe avec un stade de biathlon qui attire déjà des sportifs étrangers. Pour conforter son statut international, on va créer un centre éducatif et sportif avec un espace de musculation. Nous allons également l’ouvrir au grand public avec un espace d’accueil pour les scolaires : primaires, collégiens, classes d’apprentissage à la neige. Pour le ski alpin ou nordique. On va également créer un plan d’eau de loisirs qui servira aussi de réserve pour les canons de neige permettant d’enneiger ce qu’on appelle l’Arena de la Feclaz, c’est-à-dire l’espace entre les parkings, le stade de biathlon et les pistes de ski nordique qui partent en forêt. C’est une sécurité pour le début de saison et les compétitions.

Cela ne va pas défigurer ce site naturel ?

Non. On va simplement amplifier une cavité naturelle et on ne verra pas de grosses berges comme sur les retenues collinaires. Ce sera un espace de loisir avec une partie pique-nique, de la pêche… On est également en train de regarder les besoins des alpagistes pour l’abreuvage de leurs animaux.

De nouvelles activités ?

Oui, une luge-rail qui sera exploitée par un investisseur privé sous forme de délégation de service public. Elle serpentera en forêt à côté du télésiège de l’Orion. Ainsi, si la neige vient à manquer, cette station pourra proposer d’autres animations. Des parcours de VTT et d’orientation, mais aussi des aires de jeux, viendront compléter l’ensemble du plan.

Avez-vous prévu de nouveaux hébergements ?

On a dédié un espace dans le plan d’urbanisme intercommunal pour la création de 500 lits touristiques. Des institutions comme la fédération des œuvres laïques, ont aussi accepté de rénover leurs chalets historiques pour accueillir des familles. C’est intégré à notre plan.

Combien cela coûte ?

10 millions d’euros pour Aillons-Margeriaz et 20 millions d’euros pour La Feclaz avec pour chacune de ces stations, une première phase de travaux d’environ 6 milllions d’euros. C’est un plan qui va s’étaler sur dix ans.

Qui va payer ce plan ?

Je veux tout d’abord souligner l’approche de Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes qui est venu sur place l’an dernier et qui a tout de suite compris les enjeux de ce repositionnement des Bauges. Il a débloqué environ 4 millions d’euros. Le Département de Savoie a accepté de relancer sa politique de soutien aux stations car il s’agissait d’une diversification, et il a prévu une somme comparable.

Quels investisseurs privés sont intéressés ?

Pierre et Vacances mais aussi des investisseurs chinois sont venus à la Feclaz. Sans retour à ce jour. Pour Aillons-Margeriaz, c’est à la collectivité d’investir le temps de relancer cette station pour espérer voir revenir des investisseurs privés.

Quand seront lancés les premiers travaux ?

Les travaux ont été entamés à Aillons-Margeriaz et pour la Feclaz, ce sera dès 2019. Des nouveaux équipements, notamment la luge-rail, seront en service dès l’hiver 2020.

Vous croyez à la viabilité

économique de ces stations ?

Oui. Les Bauges sont extrêmement bien desservies avec des accès faciles depuis Chambéry mais aussi Annecy et Genève. Le Cœur des Bauges c’est le massif de pleine nature des habitants de Grand Annecy, du Grand Lac, du Grand Chambéry et d’une partie de la Combe de Savoie car ils y sont en 30 mn. Si ces stations sont plus attractives, ils viendront d’autant plus. Dans un cercle de 2 h de trajet, on peut atteindre 1,5 million de personnes et si on élargit à 5 h, le potentiel est de 6 millions.